Adissabeba, la nouvelle fleur musicale en Lorraine
La Plume Culturelle propose depuis janvier une rubrique destinée aux artistes méconnus d’une grande partie du public ou trop peu médiatisés. Ils participent avec passion à l’enrichissement culturel de la Lorraine et donc nous les mettons à l’honneur. Bénéficiez de l’interactivité d’Internet pour découvrir un aperçu de leurs œuvres sous forme de son ou de vidéo. Adissabeba se compose de sept membres, sept histoires personnelles, sept vies mises bout à bout pour ne faire qu’une seule famille, avec Robin, Pascal, Davy, Tom, Yaël, Manon et Vins.
La Plume Culturelle : Comment s’est faite la rencontre entre les membres d’Adissabeba ?
Adissabeba : La formation existe depuis cinq ans et de cette époque, seuls restent et font partie des membres fondateurs, le guitariste et le chanteur. Ensuite, sont arrivées d’autres personnes. Sachez toutefois qu’à la base, nous sommes tous des amis ou des connaissances d’amis. Depuis un an et demi, notre groupe ne bouge plus et compte sept musiciens.
LPC : Adissabeba, pourquoi un tel nom ?
A : Tout a commencé lors du retour de Djibouti d’un ami, qui nous avait suggéré à l’époque de nous appeler Addis-Abeba, en référence à la capitale de l’Éthiopie dont le nom signifie « nouvelle fleur ». Le symbole de la « nouvelle fleur » nous inspirait pour la valeur ajoutée qu’il apportait à notre désir de création et de nouveauté. Et puis on a trouvé que le mot sonnait bien, alors nous l’avons un peu modifié pour qu’il devienne Adissabeba. On voulait éviter le défaut très à la mode des groupes de rock français qui souvent utilisent des jeux de mots dans leur nom. Nous, nous voulions une distance entre le nom du groupe et la musique que nous composons. Quand on dit Adissabeba, on ne peut pas y associer le style musical qui est le nôtre. En même temps, nous n’avons pas du tout l’intention de revendiquer un style « chansons du monde » ou « ethnique ».
LPC : le style musical que vous adoptez dans vos chansons, où le situeriez-vous ?
A : On se situerait plutôt dans le secteur rock ; effectivement certains des éléments musicaux que nous adoptons s’orientent vers le rock, mais il y a du texte, car les paroles sont primordiales dans nos chansons. Évidemment, les membres ont tous des influences diverses. Par exemple, un de nos saxophonistes est plutôt jazz, un autre du groupe plutôt funk ou rock, donc on peut vraiment dire que nous composons des morceaux très hétérogènes.
LPC : Puisque chaque membre d’Adissabéba a des sensibilités musicales propres, comment cela se passe-t’il pour l’écriture et la composition de vos chansons ?
A : Vincent, le chanteur, apporte d’abord au groupe un texte et une base d’accords ainsi qu’une base rythmique. Alors tous ensemble nous réfléchissons sur le texte, l’ambiance qu’il donne à ressentir, son contenu et da forme. Ensuite seulement nous pouvons modifier et recomposer la musique en l’enrichissant de nos influences respectives, chacun apportant sa pierre à l’édifice. Quant aux paroles, on laisse la tâche de les composer à Vincent car nous avons décidé de fonctionner de cette façon depuis le début.
LPC : Vous venez de sortir votre premier album « Le petit peuple », pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
A : L’album est le résultat de cinq ans de composition et d’errance sur des scènes diverses et variées où nous avons sélectionné les chansons les plus abouties, les plus récentes et celles que nous aimions le plus. C’est le fruit de notre travail et une réussite pour nous d’avoir enregistré un album dans un studio et en même temps, nous avons voulu nous faire plaisir. Pendant douze jours, nous avons joué douze compositions. « Le petit peuple » est sorti en juin 2007 en 500 exemplaires, nous l’avons vendu par nos propres moyens, et en janvier de cette année, nous avons trouvé un distributeur qui en a reproduit pour toute la France.
LPC : Comment se déroulaient les séances d’enregistrement ?
A : C’était sans problème ! Mais il faut dire que nous avions déjà de l’entraînement car nous avions déjà enregistré une maquette de quatre titres. De plus, nous avons joué durant cinq jours dans les conditions du studio, dans notre salle de répétitions, avant de débuter les séances le jour J., comme cela nous avions déjà élaboré une prémaquette. Ensuite, au studio, chaque membre du groupe disposait d’une journée ou deux pour jouer et enregistrer au fur et à mesure les morceaux en possédant la base rythmique : batterie, guitare, basse, chant et instruments mélodiques.
LPC : Pochette rouge, titre prolétaire de l’album … des textes engagés… Vous avez des messages à faire passer ?
A : Oui absolument. Pour nous il y a toujours un message du moment qu’on dit quelque chose. Maintenant, on peut véhiculer des propos innocents dans les chansons, comme l’amour, le quotidien, avec de petites histoires personnelles, mais une chanson reflète tout de même la société dans laquelle nous vivons. On passe toujours un message. Par exemple, les chansons de Mano Solo parlent beaucoup du moi, et donc de sa vie personnelle, derrière il y a quand même un message, la vie est dure, ça fait mal mais c’est quand même bon et je continue à me battre pour vivre. On pourrait reprendre une phrase de Jean-Paul Sartre, avec laquelle nous sommes d’accord, et qui dit « Quand on dit quelque chose on engage forcément » Comme nous avons le cœur à gauche, nos croyances et notre foi investissent nos chansons.
LPC : Sans internet auriez-vous la même notoriété ? Ou bien pensez-vous que cela n’aide pas vraiment ?
A : Disons que ça aide forcément, mais que c’est réellement la scène qui permet d’augmenter la notoriété du groupe. Le principal est de voir le public et d’ailleurs, il n’est pas naïf non plus, il aime bien regarder et écouter pour y croire. Nous pensons que tant qu’on ne voit pas un groupe sur scène, on ne le connaît pas, même s’il a sorti un bon album. Nous, nous avons commencé par les concerts dans les bars, puis dans les festivals et dans toutes les manifestations culturelles où nous pouvions jouer. C’est vrai aussi qu’avec MySpace sur Internet, le réseau nous permet de nous faire connaître dans les endroits où nous ne nous produisons pas. La majeure partie de nos concerts se déroule dans l’Est de la France. Par exemple lors du concert qui a eu lieu dans les coins de Marseille et de la Ciotat, nous avions lancé des invitations sur MySpace pour que le public qui ne nous connaissait pas vienne nous écouter et nous découvrir.
LPC : Quel contact avez-vous avec les médias locaux ?
A : Nous déplorons que les journaux locaux ne s’intéressent pas vraiment aux petits groupes de la région. Si on ne les accroche pas et qu’on ne va pas les chercher pour les supplier de venir car on a quelque chose à leur montrer, on ne les voit pas. Bien sûr nous avons eu quelques articles dans la presse régionale mais de façon épisodique et quelques petites radios se sont intéressées à nous. Tout ce système n’est pas évident pour nous, car les musiciens que nous sommes n’ont pas une formation pour faire de la communication, ou pour être attaché de presse. Et puis c’est un tout autre métier que le nôtre. Malheureusement, si nous voulons de la visibilité, nous n’avons pas le choix, il faut aller voir la presse, ce n’est pas facile et pendant ce temps, nous ne pouvons pas jouer.
LPC : Travail, famille, amis ; et la passion de la musique avec votre groupe… Est-ce facile d’allier le tout chaque jour ?
A : Ce n’est pas toujours facile car nous ne vivons pas de nos cachets et nous sommes obligés d’avoir chacun une activité professionnelle qui prend du temps. Même si notre musique rencontre du succès, on est loin d’en vivre et on en a conscience. Bien sûr c’est un rêve de pouvoir subvenir à ses besoins grâce à sa passion, mais pour l’instant, ce n’est pas gagné. Et puis chacun a aussi des projets personnels. La seule exigence que nous nous imposons c’est que tous les membres du groupe soient là pour la répétition hebdomadaire et les concerts. Ensuite, on concilie le reste comme on peut. Pour la promotion du groupe, heureusement que nous avons Robin, le guitariste de la formation, qui est salarié de notre association Adissabeba et qui gère nos tournées et la promotion de notre album.
LPC : Si vous aviez un mot ou une phrase pour définir votre groupe et votre musique, que serait-il ? Et pourquoi ?
A : Adissabeba. Puisque nous sommes un groupe de sept personnes, il faudrait trouver sept mots car chacun d’entre nous voit le groupe ou notre musique différemment. C’est ce qui fait la richesse de notre groupe.
LPC : Pensez-vous que les municipalités donnent suffisamment de moyens aux groupes locaux pour qu’ils puissent s’épanouir et rencontrer le public facilement ?
A : Non, vraiment pas, c’est plutôt le vide, le néant. Nous parlons surtout pour la ville de Metz : par exemple, – cela illustrera bien nos propos -, pour les concerts estivaux de 2007, des têtes d’affiche sont venues se produire sur scène comme Voulzy ou Superbus et en première partie nous n’avons jamais vu de groupes locaux. Quant aux salles où pouvoir se produire, à part les Trinitaires, il n’y a rien. Et encore dans des conditions pas toujours avantageuses pour les formations locales. Rien n’est fait pour faciliter le travail de créativité des artistes. Nous-mêmes, nous nous sommes tournés vers la ville de Nancy où l’Autre Canal nous a aidés dans la production de notre album pour qu’il voie le jour, ainsi que pour la communication et le développement de notre association. Eux au moins, ils accompagnent sérieusement les groupes régionaux et ce n’est donc pas pour rien que nous préférons regarder de leur côté plutôt que vers Metz.
Article publié le 5 février 2008 dans le bimédia lorrain La Plume Culturelle.
Photo : © LPC|A – Le groupe Adissabeba.