Béatrice Josse du Frac Lorraine : « Les musées regorgent d’objets et nous, nous regorgeons d’idées »
La Plume Culturelle a rencontré Béatrice Josse, directrice depuis 15 ans du Frac Lorraine. Seule à ses débuts en 1993, la patronne de l’institution dirige aujourd’hui une équipe et un budget annuel d’environ 1,2 million d’euros.
La Plume Culturelle : Qu’est-ce que le Frac et quelle est sa mission première ?
Béatrice Josse : Qu’est un Frac au juste ? Un fonds régional d’art contemporain et non un fonds régionaliste. Donc au final c’est une collection, des productions, des expositions en région et ailleurs, des programmations ouvertes aux différents champs artistiques mais aussi de la médiation et de la formation des publics les plus divers… et surtout beaucoup d’imagination. On comprendra que derrière ces mots en « -tion » se cachent des hommes et des femmes d’action et de réflexion qui ne méritent guère les attaques dont ils font périodiquement l’objet.
LPC : Comment fonctionne cette institution publique ?
BJ : Comme une association loi 1908 avec une assemblée générale, un conseil d’administration et un président. Autant dire que nous fonctionnons avec un système de droit privé. Nous ne sommes pas fonctionnaires et les œuvres appartiennent à l’association Frac.
LPC : Quelle définition donneriez-vous pour expliquer l’art contemporain ?
BJ : C’est une expression datée des années 80. Aujourd’hui je préfère les termes « arts visuels » ! L’art n’est plus nécessairement lié au matériel tout comme la production de richesse est liée à l’économie immatérielle plutôt qu’à l’extraction de charbon. De plus « Un art qui ne serait pas entré dans la vie sera inventorié au musée archéologique des antiquités » (Alexandre Rodtchenko, artiste). Ce qui nous a orientés, c’est une ouverture maximale vers la performance, les arts vivants. Les musées regorgent d’objets et nous, nous regorgeons d’idées.
LPC : Comment le Frac est-il financé et à quelle hauteur ?
BJ : Nous avons un budget de 1,2 million d’euros (y compris les œuvres) qui vient essentiellement du Conseil régional de Lorraine, du Ministère de la culture et du mécénat. Nous avons un soutien de la Fondation SFR pour les actions qui concerne notre politique envers les publics handicapés.
LPC : Certains détracteurs politiques estiment le budget du Frac trop important, pour une culture dite élitiste et peu accessible aux Lorrains en général. Qu’en pensez-vous ?
BJ : Et pourquoi le Lorrain n’aurait-il pas droit à ce qui se produit de mieux au niveau local, national et international ? Cessons le misérabilisme, la Lorraine peut et doit avoir une politique culturelle ambitieuse à l’échelle européenne. Il est impossible de penser à pratiquer le repli sur soi dans une région aussi transfrontalière dotée de tels atouts géographiques.
LPC : En 2009, le centre Pompidou-Metz va ouvrir ses portes. Pensez-vous qu’il sera complémentaire du Frac Lorraine, ou bien au contraire qu’il rendra son travail moins perceptible?
BJ : Comparons ce qui est comparable ! Un « Kolossal » centre Pompidou ne sera jamais aussi souple et réactif qu’un petit Frac réactif et performant à l’écoute des nouvelles formes de création. L’effet Bilbao tant attendu à Metz aura nécessairement des retombées positives pour le Frac… sans aucun doute.
Article publié le 5 février 2008 dans le bimédia lorrain La Plume Culturelle.