Les adultes et… la poésie !
Ah, la poésie ! En voilà un sous-domaine de la littérature pour lequel l’adolescent se détourne en franchissant la frontière qui le sépare du monde des adultes. Cependant, en devenant l’un des leurs, il a refoulé au fond de lui cette capacité qu’il avait de partager ses émotions et ses sentiments avec des mots. Aujourd’hui, le voilà amnésique. Alors, j’admets que parfois l’école ne lui a pas toujours laissé d’excellents souvenirs en la matière. D’ailleurs, c’est aussi le cas pour les enfants à l’heure actuelle. Tous ces poèmes que l’élève doit apprendre par cœur, durant sa scolarité en école élémentaire, dans le but de travailler sa mémoire. Combien d’entre eux ne saisissent pas dans les textes les allusions sociétales rédigées par leur auteur ? Prenons l’exemple des fables de La Fontaine racontant de petites histoires animalières moralistes et dans lesquelles se reflètent les travers de la société française du XVIIe siècle avec en tête son illustre monarque Louis XIV. Alors, entendez-vous ces murmures plaintifs des enfants sortir par les fenêtres ouvertes des classes d’école ? « Oh non maîtresse, pas encore un poème ?! » Toutefois, la majorité des enfants n’est pas encore hermétique à la discipline… Ouf ! Elle demeure curieuse.
Quant aux adolescents, comment perçoivent-ils la poésie ? Je n’en ai aucune idée ! Il faut dire que je n’ai pas assez de données ni de connaissances pour rédiger un paragraphe les concernant. Et puis il ne faut surtout pas se fier à sa propre expérience. Tenez, moi à seize ans, par exemple, j’étais comme Rimbaud. Un garçon rebelle, impatient, ambitieux et détestant l’autorité quelle qu’elle soit. Malheureusement, j’oubliais de récupérer l’essentiel : le talent du gamin de Charleville-Mézières. Nonobstant ce détail, j’écrivais des textes dans lesquels j’exprimais toutes les émotions qu’un adolescent rebelle possède : colère, revendication, révolte, tristesse, amour, joie et j’en oublie tant d’autres. Ah, j’en avais des choses à raconter ! Néanmoins, mes poèmes étaient insipides et inconsistants. Ils leur manquaient ce petit truc permettant aux lecteurs de les différencier avec ceux – qu’on oublie assez vite – car mauvais en tous points. Par ailleurs à cette époque, j’avais de piètres connaissances sur le sujet car je lisais peu et je l’ai vite compris à mes dépens. Ensuite, j’eus la chance de correspondre avec un poète qui m’écrivit un jour cela : « Pour être un bon poète, il faut avant tout être un bon lecteur ! » Il n’avait pas tort.
En tant qu’adulte, nous avons des a priori et des certitudes concernant la poésie que nous inculquons consciemment ou non à nos enfants. « Oh là là, mais Jean-Michel, tu n’es qu’une mauvaise langue ! », pourriez-vous me vociférer dans les oreilles. Pourtant, il suffit de s’interroger avec honnêteté. À quand remonte VOTRE dernière lecture (complète) d’un recueil de poèmes (non imposée mais pour le plaisir) ? Ah ! Ah ! Ah ! Je n’entends plus personne ! Où sont-elles ces puissantes voix qui me lançaient un intelligible « Moi ! » ? Là, je ne perçois plus que le silence pesant s’égrainer avec la trotteuse de l’horloge. Ce témoin du temps accroché au mur de la pièce où je me trouve. Moi, seul assis à mon bureau alors que vous, lecteur, vous êtes quelque part dans le monde à lire ces lignes qui défilent sous vos yeux. Et n’étant pas à côté de vous, je ne peux vous écouter me contredire et vice-versa. Mais les chiffres du ministère de la Culture… eux, ils confortent malheureusement mes propos et c’est sans appel ! Sachez que la poésie et le théâtre (unique ligne de référence pour les deux disciplines, je ne comprends pas cette fusion des chiffres, N.d.A) ne représentent en 2018 que 0,3 % du marché du livre en France. Pas bézef tout ça ! Et sur CENT lecteurs d’ouvrages (tous genres confondus), UN seul lit de la poésie. En revanche, les poètes (publiés chez un éditeur ou en autoédition) sont légion ! Manque juste les lecteurs mais ça, c’est un point de détail dans l’histoire de la littérature.
Au départ, je voulais rédiger une chronique dont le thème était les enfants et leurs rapports entretenus avec la poésie. Finalement, j’ai axé le thème sur les adultes et leurs relations avec les poèmes. Alors, en un paragraphe, je vais recentrer mes propos sur les enfants. En tant qu’adulte, j’ai eu moi aussi des a priori et des idées préconçues lorsque j’ai débuté, en septembre dernier, mes ateliers d’initiation poétique dans une municipalité en Île-de-France. Ma mission ? Initier des enfants issus de quartiers populaires, et aux origines ethniques variées, à la poésie dans les accueils de loisirs. Et tout cela de manière créative et pédagogique. Bien sûr, je ne suis pas venu leur dire de but en blanc : « Eh les enfants, je vous propose de la poésie comme activité ! » J’ai ramené avec moi un coéquipier fort utile : une authentique machine à écrire portative Remington de 1960. Effet garanti auprès d’eux ! De là, je les ai accompagnés pour écrire un haïku (en dix-sept syllabes) de leur propre composition afin qu’ils puissent le taper à la machine à écrire. Eh bien cela fonctionne ! Les enfants composent des poèmes en s’amusant ! Mes pensées obsolètes ont volé en éclat car quel que soit le niveau scolaire, la classe ou couche sociale de l’enfant, celui-ci a toujours besoin de s’exprimer et la poésie est un bon moyen pour y parvenir. Aussi, l’enfant n’est pas réfractaire à cette discipline artistique du moment que les adultes lui laissent le choix des thèmes et que cela reste un jeu. Et oui, ce sont des ENFANTS.
Alors toi l’adulte qui lit cette chronique, avant de penser que tu n’aimes pas / plus la poésie, recherche au fond de ton être l’enfant curieux que tu as été et laisse-toi aller pour une aventure avec les mots ! Tu n’aimes pas Baudelaire, Hugo, Rimbaud, Verlaine et tous les croulants du XIXe siècle ? Ça tombe bien, moi non plus… Eh bien ce n’est pas grave ! Il y a des poètes contemporains assez sympas à découvrir. Je ne t’étonnerais même pas si je te disais que je lis plutôt du Bukowski, du Kerouac, du Richard Brautigan et tant d’autres du même gabarit… Ils furent romanciers, certes mais aussi des poètes talentueux et je peux te dire que leurs textes, ça décrasse assez bien l’esprit ! Allez, bonne lecture et salutations poétiques.
Depuis quelques semaines, je me rends compte que l’écriture hebdomadaire de la chronique est chronophage. Eh oui, cela me prend davantage de temps que je ne l’avais imaginé. Aussi, j’ai l’impression de délaisser quelques-uns de mes projets artistiques personnels au détriment d’autres. Et ça… c’est pas bien ! J’ai décidé qu’à la prochaine chronique (la dixième quand même), je ne publierai mes textes qu’une à deux fois par mois. Pour avoir l’info ? Instagram, Twitter ou Facebook. Et si vous n’êtes pas friand des réseaux sociaux, venez régulièrement sur le blog. ;-) |