Éric Blanc : « Avec mon spectacle, je brosse un tableau sans concession de la société moderne! »
De passage en Lorraine pour son spectacle « Décalage immédiat, l’itinéraire d’un Noir allumé », l’humoriste Éric Blanc présente à la Plume Culturelle à la fois son spectacle et sa philosophie personnelle du rire et de la réflexion sur notre société.
La Plume Culturelle : Pourquoi être-vous parti au Canada avec René-Samuel Lévy pour écrire ce spectacle ?
Éric Blanc : Je souhaitais prospecter le Canada pour le spectacle, et aussi parce que j’avais eu des échos positifs de la part de comédiens qui y sont allés, plus précisément au Québec. Je trouvais que leur spontanéité correspondait parfaitement au caractère du personnage que je développe dans mon spectacle. J’aime beaucoup leur mentalité, et leur fraîcheur d’esprit. J’ai donc commencé à écrire ici en France, puis je suis parti là-bas pour continuer le scénario avec René-Samuel. Malheureusement, je n’ai pas encore pu jouer « Décalage immédiat » sur place. En revanche dans l’hexagone, j’ai pu effectuer quelques tours de chauffe dans certaines salles et dans des centres culturels où j’ai connu des réactions positives du public.
LPC : Sauveur, le héros de votre spectacle veut « sauver les Blancs de la noirceur ». Pourquoi un tel projet ? Utopique ?
EB : C’est un projet un peu fou que Sauveur souhaite entreprendre mais pas du tout utopique. Pour lui, les Blancs sont tout sauf sauvages, sauf qu’en réalité, ils se comportent comme tels, en renversant les clichés et les valeurs qu’on a l’habitude d’entendre à droite et à gauche. Il est choqué par leur langage cru, et très ému à la fois, car il ne connaît la France qu’à travers la littérature, et notamment celle du Siècle des Lumières. Alors, il décide de les sauver en projetant de rencontrer le chef des Blancs pour parler de son projet.
LPC : Comment va-t-il s’y prendre ?
EB : Il va entreprendre un périple au cours duquel il connaîtra quantité d’aventures qui lui feront toucher du doigt le décalage entre ce qu’il pense connaître d’une société à travers la seule littérature, et le monde cynique, égoïste et du chacun pour soi qu’il rencontre. Même s’il avance à contre-courant, il ne va pourtant jamais abandonner.
LPC : Vous dressez un tableau sans concession de notre société. Peut-on encore rire de tout de nos jours ?
EB : Oui, je pense qu’on peut rire de beaucoup de choses à condition d’avoir énormément de recul par rapport à soi. Je parle justement de ce positionnement dans le spectacle qui dresse l’état des lieux de la société française moderne, jetant un nouveau regard sur l’immigration, dans la mesure où je ne mets pas les Blancs d’un côté et les Noirs de l’autre, pour ensuite jeter la pierre aux premiers. Chacun doit prendre ses responsabilités. C’est important de dire les choses telles qu’elles sont.
LPC : Est-ce de plus en plus difficile pour un humoriste d’évoquer librement tous les sujets, même avec dérision?
EB : Disons qu’il y a des sujets où je m’autocensure, et ce n’est pas par rapport à des interdits qu’on m’aurait dictés. Simplement, je ne plaisante pas sur la maladie ou sur les décès, par exemple. J’ai beaucoup de respect et de compassion pour les gens qui souffrent ou qui ont perdu un proche. Sinon, aucun problème ! J’aborde tous les sujets qui me touchent avec un réel bonheur, sans pour autant critiquer qui que ce soit, parce que je pense qu’on peut dénoncer les choses sans blesser les gens.
LPC : Depuis votre premier spectacle, vous aimez mettre en avant les ethnies et la couleur de peau. Est-ce de l’autodérision ou de la réflexion ?
EB : Ce qui m’intéresse dans mes spectacles, c’est de présenter une réflexion sur des faits de société ou sur un vécu. C’est toujours important de fournir un regard critique. Surtout qu’aujourd’hui, on a tendance à suivre le mouvement sans réfléchir. D’ailleurs, faire rire pour faire rire ne m’intéresse absolument pas. Ce que j’aime avec l’humour, c’est qu’on peut pointer du doigt certaines choses, soulever un problème pour essayer d’avancer… je crois que c’est le plus important.
LPC : Vous dites que vous êtes un garçon un peu fou, la tête dans les étoiles et les pieds sur Terre, que voulez-vous dire par là ?
EB : Que je suis à la fois un garçon qui grandit à travers les épreuves de la vie et qui mûrit. Et j’espère pouvoir grandir encore de la sorte pendant longtemps.
LPC : Quels sont vos projets après ce spectacle ?
EB : Je joue actuellement dans une pièce avec Alil Vardar, (qui est également l’auteur du Clan des divorcées) et Farid Omri, intitulée Pas nés sous la même étoile, au théâtre La Comédie République à Paris jusqu’au 15 janvier prochain. La représentation devrait se prolonger dans une salle plus grande. Ce qui est marrant, c’est que pour l’instant je suis assez sollicité pour jouer dans des pièces de théâtre avec plusieurs comédiens et cela m’amuse beaucoup.
Article publié le 27 novembre 2008 dans le bimédia lorrain La Plume Culturelle.
Photo : © LPC|Happyness Production – Éric Blanc joue le jeune Sauveur qui souhaite sauver les blancs de la noirceur !