Thierry Gourlot : « Je n’ai jamais été pour la fermeture des frontières en matière de culture qui forcément s’ouvre à tous »
Thierry Gourlot, tête de liste pour le Front National en Lorraine, expose le programme culturel de sa formation politique pour la région. Fervent opposant du Frac, le numéro un frontiste lorrain suggère de vendre aux enchères les œuvres pour définir leur prix ou propose un pass « culture et sport » pour les jeunes. Pragmatique sur le dossier du Centre Pompidou Metz, il le demeure également pour le projet de Chambley. Décryptage.
La Plume Culturelle : Quel bilan tirez-vous de la politique culturelle instaurée par la majorité sortante de JP Masseret ?
Thierry Gourlot : Je ne sais pas si on peut parler de bilan en matière de politique culturelle puisque Jean-Pierre Masseret n’a fait que suivre celle de son prédécesseur Gérard Longuet en subventionnant des centaines d’associations culturelles ou sportives. Alors, même si dans ces associations, il y en a de très respectables qui participent à la culture d’enracinement lorraine et à l’animation du territoire, il y en a d’autres qui sont à nos yeux contestables et relèvent du domaine de l’idéologie gauchiste, anti famille, anti française, pro immigré ou communautariste, et nous en avons des exemples plein le panier.
LPC : Quel est le programme politique culturel que vous proposez pour contrer celui de la majorité sortante ?
TG : Le Front National a toujours défendu en matière culturelle tout ce qui participe à l’animation dans le bon goût, le beau et le vrai. Ce que je veux dire par le bon goût, c’est d’une part quelque chose qui ne soit pas l’apologie de la scatologie,- nous avons eu de la chance, nous n’avons pas eu droit à ce qu’on a pu voir en Rhône-Alpes avec la machine à caca de Cloaca (Ndlr : œuvre controversée de Wim Delvoye). D’autre part qui ne tombe pas dans la vulgarité ou la perversité, ni dans l’idéologique ni dans le communautarisme. Nous voulons permettre l’épanouissement des jeunes, des adolescents en les amenant à connaître le grand répertoire du théâtre, de la chanson ou de la peinture, par exemple. D’une façon générale, nous sommes contre une politique culturelle d’État assez évidente car la culture passe par l’individu qui crée. Le Front National a toujours défendu la création et le créateur libre et non pas la structure idéologique, bien évidemment.
LPC : Justement vous parlez dans votre programme d’un pass « culture et sport ». En quoi consiste-t-il et se différencie-t-il de la carte « Pass culture » instaurée en 2005 par le Conseil Régional ?
TG : C’est encore à définir. Soit nous augmenterons la somme proposée sur la carte, puisqu’elle est à l’heure actuelle de 10 euros pour chaque lycéen, soit nous leur fournirons à la place, clef en main, certains billets pour des expositions. Aujourd’hui, le Conseil Régional de Lorraine ne gère pas de musée mais si demain tel devait être le cas, je serais partisan de la gratuité des musées comme en Angleterre. Ces structures doivent appartenir à tous, ce qui permettrait aux gens de pouvoir s’y rendre plus facilement. Actuellement à Paris, une expérience est menée dans ce sens où cinq musées demeurent gratuits et ça me semble positif.
LPC : Vous parlez de développer l’accès à la culture pour tous, pensez-vous par exemple que les pôles culturels subventionnés par le Conseil Régional sont trop élitistes ?
TG : Non pas du tout, en matière de culture, ces pôles-là sont un peu nos cuirassés, et si nous devions être à la tête du Conseil Régional, nous continuerions sans doute sur cette voie; en revanche nous ne sommes pas partisans de la gratuité. Pour les musées oui, mais pour l’opéra ou le théâtre, on devrait plutôt fixer un prix attractif. Cependant là encore, je ne m’interdis rien. Pour faire aimer le ballet, l’opéra le lyrique, pourquoi ne pas proposer des prix cassés en quelque sorte ou des invitations aux Lorrains via des associations culturelles ? Tout est bon pour qu’ils redécouvrent les grands répertoires français. A une certaine époque, dans chaque village, existaient les harmonies municipales, les villageois apprenaient la musique – et cela participait d’une certaine sociabilité – et tout le monde était alors musicien, poète, artiste quelque part. Aujourd’hui, hélas tout cela a disparu.
« La culture pour qu’elle parle à quelqu’un,
elle doit être enracinée.
C’est comme une maison, il lui faut des fondations
sinon elle ne tient pas debout. »
LPC : Vous parlez d’une réorganisation du FRAC avec une régionalisation et une nationalisation des œuvres. Qu’en est-il de ce projet ?
TG : Il serait intéressant de confronter au vrai prix public certaines œuvres du Frac, qui de toute façon dorment dans les caves, et de les mettre sur le marché. On verrait effectivement à quel prix elles partiraient. Si nous étions amenés à gérer le Frac, nous ne proposerions que des expositions qui n’auraient pas vocation à choquer, comme cette apologie Sadomasochisme qu’on a pu voir. Je pense également que nous dépenserions moins et mieux. Enfin, nous ouvririons davantage les portes de la structure aux artistes lorrains car il en existe dans notre région qu’il serait bon de faire connaître.
LPC : Vous parlez de l’art contemporain français et régional, mais que pensez-vous de la culture transfrontalière ?
TG : Rien n’empêche de faire voyager des expositions d’artistes sarrois, luxembourgeois ou belges, et de tout ce qui concerne la grande région. Je n’ai jamais été pour la fermeture des frontières en matière de culture qui forcément s’ouvre à tous. La culture pour qu’elle parle à quelqu’un, elle doit être enracinée. C’est comme une maison, il lui faut des fondations sinon elle ne tient pas debout. Donc l’art quel qu’il soit puise ses racines dans le génie propre du pays ou de la région dont il est issu.
LPC : Pensez-vous que le budget destiné à la culture soit mal géré, mal réparti ? Et que feriez-vous à la place ?
TG : A mon avis il y a une grande politique de saupoudrage des copains. Il est évident qu’on y regardera de plus près. Par exemple, le Conseil Régional a financé des ruptures de jeûne, des soupes de chorba ou la fête du Ramadan à Woippy, effectivement avec nous, cela n’existera plus.
LPC : Pensez-vous que le Conseil Régional valorise assez le Centre Pompidou Metz? Et si vous étiez à la tête de l’institution publique, resteriez-vous le premier financeur pour le budget de fonctionnement de la structure ?
TG : Au départ le Conseil Régional n’avait rien à voir avec le projet, et il vient d’apporter 4 millions d’euros pour son fonctionnement. Personnellement, je n’ai jamais été un fan du Centre Pompidou Metz. Mais je suis aussi un être pragmatique, et à partir du moment où la structure existe, et qu’elle a coûté une fortune, je préférerais que cela participe au rayonnement de la Lorraine. Je souhaite également que le Conseil Régional puisse décider en partie des choix artistiques, et proposer aux artistes lorrains d’être exposés. Si maintenant c’est un gouffre financier, il ne faut pas non plus continuer, il n’est pas nécessaire de jeter l’argent par la fenêtre.
LPC : Quelles perspectives pour Chambley après 2011 ?
TG : Je pense qu’il faut faire vivre Chambley. Je suis partisan de la grande biennale de Pilâtre de Rozier puisqu’il a réussi à dépasser en notoriété Albuquerque, ce qui n’est quand même pas rien. Et puis c’est le descendant d’un des illustres enfants de Metz, Philippe Buron-Pilâtre, parti de rien avec des bénévoles, qui a réussi véritablement à en faire un évènement mondial. Chambley, cela va être aussi un espace de loisirs et hôtelier jumelé avec Madine. Donc je pense que si ces infrastructures existent, il faut les utiliser. Alors je ne dis pas que je donne quitus, mais j’accompagne les efforts de tous pour que ça fonctionne. Nous pourrions imaginer aussi de créer un musée de la montgolfière financé par le Conseil Régional et par des mécènes.
Article publié le 3 mars 2010 dans le bimédia lorrain La Plume Culturelle.
Photo : ©LPC – Thierry Gourlot, tête de liste pour le Front National en Lorraine.