
Babylon Circus : « Nous courons après l’horizon. Dès que nous approchons d’un but, nous en cherchons un autre… »
Après cinq ans d’absence, Babylon Circus revient sur le devant de la scène avec son dernier album « La belle étoile ». Le Festival du « Jardin d’hiver du Michel » accueillera la formation à l’Autre Canal, à Nancy, le 28 novembre prochain. Un concert teinté d’émotions et de sensibilité au son d’un rock festif mais électrique et pop. Rencontre.
La Plume Culturelle : Vous n’avez pas sorti d’album depuis « Dances of Résistance » en 2004. Qu’avez-vous fait pendant tout temps avant la sortie de « La belle étoile » en mars dernier ?
Babylon Circus : Il s’est passé beaucoup de choses. Il y a eu d’une part la tournée de concerts pour l’album « Dance of Résistance ». D’autre part nous avons monté un projet en 2007 qui s’appelait « Babylon Circus Expérience » qui était une pièce musicale en trois actes. Nous avons toujours souhaité aller à la rencontre d’autres artistes dans d’autres esthétiques, histoire de nourrir notre appétit musical et notre culture tout simplement. Donc nous avons invité un groupe punk toulousain, une chanteuse mexico-américaine, un DJ marocain et des jazzmen lyonnais. Puis nous avons constitué trois groupes dans lesquels nous mettions un peu de Babylon Circus et nous partagions tous ensemble nos connaissances et évidemment la scène pour la tournée. Une manière d’enrichir en quelque sorte nos influences qui sont déjà nombreuses.
LPC : Justement le spectacle « Babylon Circus Expérience » semble avoir métamorphosé et orienté le style musical du groupe vers la pop. Avez-vous eu envie de changer de créneau ?
BC : Nous ne savons pas si c’est l’une des raisons qui ont permis de changer notre orientation musicale grâce au « Babylon Circus Expérience ». Peut-être. Ensuite en ce qui concerne le mot « Pop », tout dépend ce qu’on met derrière. Pour nous c’est la volonté de faire plutôt de la musique populaire au sens large. Rassembler le plus grand nombre de personnes qui sont sur la même longueur d’onde que nous, et dans un but non pas mercantile mais plutôt social, car pour nous, la musique à cet objectif. Faire vibrer le public au même moment sur une émotion. Ensuite pour le style musical en lui-même, ce n’est qu’une forme d’expression artistique instantanée donnée à un moment précis. Et puis, il y a tellement d’influences dans le Babylon Circus que nous faisons parfois des choses inconsciemment et instinctivement.
LPC : Donc l’étiquette qui vous collait à la peau « fanfare et musique festive » et qui cohabitait avec votre style Ska/Reggae/Rock peut-être maintenant décollée ?
BC : Nous avons toujours assumé ce que nous avions fait. Après, il est toujours difficile de définir la musique d’un groupe. De toute façon, la formation est en perpétuelle évolution d’un album à un autre avec des nouveautés. Jamais rien que nous ayons lâché mais jamais rien que nous ayons reproduit non plus. Nous n’aimons pas dire que nous prenons à chaque fois des risques car après tout nous ne mettons pas nos vies en jeu, nous jouons simplement de la musique. Mais nous continuons à évoluer dans les textes avec de l’émotion, que ce soit sur une vision sur le monde, une vision de l’amour ou quel que soit le sujet. Nous puisons l’inspiration au fond de nous-mêmes. C’est pour cela aussi, grâce au filtre de l’amour, que nous pouvons parler de tout et ouvrir encore plus les interprétations sur les sujets des chansons.
LPC : Vous êtes toujours en phase avec l’actualité. Un besoin de parler politique dans vos textes ?
BC : Il n’y a rien de journalistique dans ce que nous racontons. L’album précédent, par exemple, était beaucoup plus cru et violent d’une certaine manière dans ses textes car nous avions vécu des choses plus denses. Nous les avions écrits en grande partie en Syrie, dans une dictature militaire culturellement muselée, juste un mois après le début de la guerre en Irak, en 2003, cela remue. Et nous avons livré cette expérience dans l’opus dans sa version la plus sauvage. Dans « La belle étoile », il y a davantage de fragilité, un truc à fleur de peau. Le prochain opus, de quoi parlera-t-il ? Nous n’en savons rien encore.
LPC : Alors est-ce que nous pourrions dire que l’album est celui de la réflexion et de la maturité ?
BC : Nous ne savons pas, disons qu’après la chute assez grave de David dans les escaliers avant un concert à Moscou, les membres du groupe ont été renvoyés un peu à eux- mêmes et sur la réflexion de l’existentialité durant sa convalescence. Il a été poussé à l’écriture par la formation, cela a été salvateur pour lui et par conséquence cela a donné à l’album une marque d’émotions sur des sujets qu’on n’avait peut-être pas assez exploités dans le passé. Ouvrir des portes sur notre jardin privé et donc sur notre intimité. Il y a quelque chose de plus personnel et de plus profond dans l’album « La belle étoile ». Ce n’est qu’une nouvelle étape pour Babylon Circus. Pour revenir à la genèse du groupe, c’était un rêve de gamins pour David et Manu (chanteurs et fondateurs du groupe, Ndlr), qui jouent depuis dix-huit ensemble, de créer une formation musicale. Et même avant de se connaître, ils rêvaient de voyager en musique. La musique est un langage universel. Notre terrain de jeu, c’est le monde. Nous courons après l’horizon. Dès que nous approchons d’un but, nous en cherchons un autre encore plus loin pour ne jamais s’arrêter et sentir qu’on arrive.
LPC : Comment s’est déroulé l’enregistrement de cet album ?
BC : C’est la première fois que nous allions à la rencontre d’autres auteurs. Nous allons nous confronter à d’autres artistes qui sont comme nous des chansonniers mais sous un angle différent. D’ailleurs, nous préférons le terme « raconteur d’histoires » à celui de chansonnier. Par exemple, c’est très instructif de chanter un titre de Mickey 3D qui s’intitule « Le fils caché du pape ». Nous, nous ne l’aurions pas écrit comme ça, peut-être aussi, pas du tout écrit et pourtant nous prenons un plaisir monstrueux à le chanter. Pour cet opus, l’enregistrement s’est déroulé dans une cave de la Porte de Clignancourt, là où était installée notre nouvelle base pour le groupe. Nous y faisions notre maquette sur laquelle nous avons gardé des éléments joués à cinq heures du matin, alors que nous travaillions depuis deux heures de l’après-midi. Nous avions tenté de les rejouer plus tard dans d’autres studios mais nous n’avons pas réussi car il se trouve qu’il y avait là un moment de lâcher prise avec une émotion juste à un moment juste. Et c’est tout plein de petits moments comme ça qui donnent leur justesse dans les propos de l’album.
LPC : Les cuivres semblent un peu en retrait dans « la belle étoile ». Une volonté de privilégier la voix, la guitare et une orientation vers la chanson française ?
BC : Aucune idée, cela s’est fait naturellement. Il y avait une ligne directrice pour les chansons qui étaient plus claires. Alors que cela soit avec des cuivres, une guitare, un clavier ou une batterie, c’est raconter la même histoire mais à sa façon. Nous avons le même propos à chaque circonstance. Alors évidemment, les cuivres ont soutenu l’ensemble plutôt que d’être mis au-devant de la scène.
LPC : Après dix mois de tournée à travers l’Europe et la France, où puisez-vous toute cette énergie que vous partagez avec le public durant les concerts ?
BC : Pour nous, il y a deux raisons. D’une part, nous mettons beaucoup de cœur dans notre travail car nous adorons cela. D’autre part, nous aimons aller à la rencontre du public durant les concerts pendant lesquels, chaque soir, nous jouons pour lui comme si c’était la première fois. C’est comme une première rencontre quand il y a un feeling partagé. On s’ouvre à l’autre et on se veut plus séduisant. Donc, il y a un rapport de séduction dans cette volonté d’aller sur scène. Et comme c’est notre terrain de jeu, et même s’il la fatigue physique existe, le moral est au beau fixe et nous ne mentons jamais. Car notre valeur première, c’est la sincérité.
LPC : « Babylone Circus »… un beau et étrange nom pour un groupe. Un clin d’œil vers le monde du cirque ou c’est plus subtil que ça ?
BC : C’est un nom qui s’est un peu imposé à nous. Comme beaucoup de groupes, on a passé des journées et des soirées entières à chercher une identité parfois pourrie. Et puis un jour, un membre du groupe, pour une raison x ou y, rentre dans notre local de répétition où nous étions en train de jouer un reggae, et au lieu de dire « Qu’est-ce que c’est ce cirque », il a dit « Qu’est-ce que c’est ce Babylon Circus ? ». Là, nous nous sommes arrêtés de répéter et nous sommes dit : « ah bien tiens, c’est nous ! » Pourquoi ? aucune idée. Peut-être un clin d’œil à l’histoire de la tour de Babel avec Babylon, car nous chantons dans plusieurs langues. Et Circus, peut-être à cause du voyage, l’aspect familial, mélanger des disciplines avec les instruments et les gens. Il y a comme un côté sucré-salé. Finalement, nous avons l’impression qu’on va faire notre cirque de Babylone en Babylone. Mais encore une fois, ce n’est qu’une interprétation que nous pouvons donner à la signification du nom de notre groupe.
LPC : 14 ans que le groupe existe, des départs et des arrivées de membres. Comment se passe l’adolescence de la formation musicale ?
BC : Ce qui est important pour nous, c’est que chacun s’y retrouve et s’y sente bien car du coup, cela crée une motivation. La personne qui vient chez nous va apporter ses influences et puis les portes de Babylon Circus n’ont jamais été fermées. Nous n’avons jamais voulu retenir l’un des membres. Il y en a qui sont partis pour des raisons artistiques ou parce qu’ils ont décidé de changer d’orientation. Finalement, cela apporte beaucoup de richesse puisque toutes les personnes qui sont passées y ont laissé quelque chose. Le groupe est une marmite où chaque membre jette son lot d’épices. Et les nouveaux apportent une fraîcheur à la formation. Bien avant le début de Babylon Circus, Manu et David avaient déjà des influences différentes. Pour le premier, c’était le reggae et pour le second, le rock alternatif. Ils auraient pu monter chacun leur projet dans leur coin. En finalité, cela a été le moyen de travailler ensemble.
LPC : Vous avez déjà un album en projet ?
BC : La scène c’est viscéral pour nous, mais l’écriture l’est également. Nous avons besoin d’écrire en permanence. Donc, même si là nous venons d’effectuer quinze jours en tournée, dès que nous avions un peu de temps, nous répétions de nouveaux morceaux ou bien nous réarrangions des titres. Nous ne nous en privons pas. C’est vrai que nous commençons à travailler sur de nouvelles chansons. Alors parfois ça se passe avec une guitare, un micro et un ordinateur avec lequel nous enregistrons pour nous constituer une base. C’est un début.
Article publié le 25 novembre 2009 dans le bimédia lorrain La Plume Culturelle.
Photo : ©LPC|Vanessa Filiho – « Babylon Circus », une formation musicale aux multiples facettes qui court après l’horizon ?