« Ce n’est rien », exposition d’Étienne Pressager, humour et couleurs mêlées
Les murs de la galerie messine Octave Cowbell deviennent pour trois semaines encore, les pages ouvertes d’un livre de dessins éphémères. L’artiste lorrain Étienne Pressager y a posé et aligné, avec ardeur et à la limite de la frénésie, ses traits de crayon pour constituer une fresque géante morcelée. Avec humour et subtilité l’exposition « Ce n’est rien » a de quoi surprendre le visiteur, jusqu’au 15 octobre prochain.
Au milieu de l’unique pièce de la galerie messine Octave Cowbell, une vitrine. Dedans, un mélange hétéroclite d’objets soigneusement disposés qui ressemble à un inventaire à la Prévert, et dont le fil rouge est la nature. Des livres scientifiques, datant de 1930 à 1960, des cornes de cerfs, des feuilles, des tresses de cheveux, un serpent en plastique, un lapin disséqué, une araignée, entre autres, tout laisse à penser que l’artiste expose des trophées ou des souvenirs de voyages. Une visiteuse, perplexe, interroge avec maladresse Étienne Pressager, l’auteur de l’ouvrage : « C’est l’œuvre ? » Amusé ce dernier répond gentiment : « Non, l’œuvre est tout autour de vous ! », montrant du doigt les quatre murs recouverts d’une fresque géante et morcelée. Des dessins qui interpellent sans aucun doute l’imagination du public. Des feuilles d’arbres ou une queue de renard ? Des croquis un brin explicites dans la subjectivité artistique ? Griffonnés sur une surface blanche, qu’évoquent ces traits de crayons de couleurs vert et orange mélangées de noir ?
« Il n’y a rien de sérieux dans tout ça ! »
L’œuvre en elle-même représente un déroulement dans le temps, d’un point de départ à une arrivée : le début de l’esquisse, à une date et une heure précise, jusqu’à la fin du travail à un moment donné. Ainsi, la fresque géante se caractérise par des traits, des lignes ou des tracés de crayons de couleurs. L’emploi de ceux-ci, utilisés dès l’école maternelle, apporte à l’oeuvre un côté enfantin et scolaire. Chaque fragment y est donc identifié soit par un jour, un mois et l’année en cours, soit par une heure. Le public devrait s’y retrouver… quoique… Étienne Pressager aime la difficulté. « Il n’y a pas de continuité dans mon travail. Dans la même journée, je pouvais passer d’un mur à l’autre », explique, un brin malicieux, le dessinateur. « Si le visiteur veut suivre le déroulement de la création, cela va devenir très fastidieux pour lui. Je souhaite juste qu’il comprenne avec humour le processus. Il n’y a rien de sérieux dans tout ça ! », signale encore l’intéressé. Les coloris divisent la pièce en deux parties. Un côté « orange noir » évoque la rouille. Quant à l’autre, le « vert noir », il rappelle plutôt à la moisissure. Une référence à la nature, thème choisi quand même par l’artiste. Toutefois, si chaque famille de couleurs a dans la pièce commencé son parcours au-dessus de la même porte, selon le désir d’Étienne Pressager, ce dernier ne savait pas encore où elles allaient se rejoindre. La cheminée a constitué un excellent point d’aboutissement.
Simplicité, innovation et temporalité
Étienne Pressager, enseignant à l’École d’Art de Nancy, pratique sa discipline depuis quelques années. Si la peinture et le dessin semblent être sa spécialité depuis le début des années quatre-vingt, il n’hésite pas à y mélanger d’autres techniques telles que la vidéo ou l’animation. Pourtant, à la galerie Octave Cowbell, il a choisi en relation avec la taille de son espace de travail, la simplicité du crayon et un thème innovant, la temporalité, concernant la durée de vie de son œuvre. « En raison de l’endroit, je n’avais pas envie d’une exposition trop classique avec mes dessins sous verre. Cela ne collait pas à l’environnement », explique l’artiste. « Ici, j’apprécie le côté transgressif et décontracté du lieu. En dessinant sur les murs contre du papier de rénovation, je savais très bien qu’à la fin de l’exposition, mon travail serait recouvert de peinture. Mais ça m’amuse ! Comme je vous l’ai dit, rien n’est sérieux ici ! », révèle,espiègle, Étienne Pressager.
« Ce n’est rien »
Le nom de l’exposition, « Ce n’est rien », signifierait-il que la performance in situ ne représente rien ? Ni dans le temps ni sous son aspect visuel, et qu’il n’y a rien à comprendre ? Le message serait-il « circulez ! il n’y a rien à voir » ? Et pourtant, le propre de ce genre de création est de susciter l’interrogation, afin que l’imagination opère et que l’œuvre de l’artiste vous interpelle. Comprise ou non, elle vous fera voyager, d’où la nécessité de la vitrine centrale. Comme quoi, rien n’est superflu dans ce vagabondage artistique.
Article publié le 19 septembre 2011 dans le bimédia lorrain La Plume Culturelle.
Photo : ©LPC|JeanVier – Étienne Pressager devant l’un des quatre murs de la galerie messine Octave Cowbell où trône son oeuvre qui a été réalisée à l’aide de crayons de couleurs.