L’amour du jazz transmis au public
Durant une semaine, Xavier Brocker, connaisseur averti en jazz et initiateur du festival « Nancy Jazz Pulsations » en 1973, propose une série de rencontres musicales dans les collèges, le Théâtre de la Manufacture et la Médiathèque de Nancy. Une initiative pédagogique, amusante et accessible aux jeunes publics, comme aux adultes, qui a pour objectif de prêter une oreille neuve sur l’écoute de ce genre musical.
Cet ancien journaliste de l’Est Républicain et auteur de l’ouvrage Roman vrai du jazz en Lorraine, aux Éditions de l’Est, pourrait couler des jours heureux comme le jeune retraité de soixante-dix ans qu’il est. Musicien à ses heures perdues, il joue de la clarinette et parfois du piano. « Je lis très mal les partitions », avoue-t-il, amusé, avant de s’accorder un peu d’autodérision : « Je ne suis pas ce qu’on pourrait appeler un virtuose… mais je me défends. » Pourtant, s’il y a un domaine où il excelle et dans lequel il connaît les références musicales sur le bout des doigts, c’est le jazz. Aussi, Xavier Brocker aime partager sa passion avec les jeunes générations et il n’hésite pas à leur consacrer quelques heures en proposant des rencontres musicales durant une semaine, du 12 au 17 octobre prochain, dans les collèges nancéens, le Théâtre de la Manufacture et la médiathèque de la ville, dans le cadre du festival « Nancy Jazz Pulsations ».
Et un jour, il découvrit le jazz…
Chez Xavier Brocker l’amour du jazz a éclos en 1954. Il n’a que quinze ans lorsqu’il se rend au concert de Sydney Bechet à la Salle Poirel à Nancy. Une révélation qui va lui changer la vie. « Le jazz, c’était une musique pour adolescents, et si différente de celle de nos parents ! A cette époque, les personnes cultivées n’écoutaient que de la musique classique et dans les milieux plus modestes, on appréciait plutôt la variété populaire comme Piaf ou Louis Mariano » précise l’intéressé. En réaction contre les aînés, la jeunesse se divertissait sur des morceaux de jazz. « A ses débuts, le jazz était considéré comme une musique de sauvages. Il existait même une sorte de racisme sous-jacent dans ces préjugés », signale-t-il encore. Mais ce natif de Metz n’en a que faire. Il se souvient que dans les années cinquante, les mélodies des plus grands jazzmen se diffusaient dans les troquets grâce aux juke-boxes. Les orchestres de bals jouaient ces œuvres populaires qui ont été depuis une trentaine d’années évincées en partie par le rock.
Aussi, Xavier Brocker souhaite-t-il communiquer aux plus jeunes mais également aux adultes, une connaissance du monde du jazz. à la fois amusante et pédagogique afin de leur forger une oreille attentive à cette musique si particulière. « Je ne m’adresse pas de la même façon à des mômes de 13 ou 14 ans et à des adultes qui sont normalement formés à la question musicale », avance-t-il. « Avec les jeunes, nous utilisons un langage simple. Nous évitons tous les termes techniques en leur expliquant que s’ils savent chanter Au clair de la lune, ils peuvent chanter des versions plus jazz de la mélodie en tapant dans leurs mains sur le contre temps », explique Xavier Brocker.
« Oubliez les idées toutes faites »
Muni de sa petite chaîne Hifi et accompagné de son fidèle technicien Jacques Perlel, Xavier Brocker illustre ses propos par des courtes séquences musicales. Une sélection de mélodies d’artistes agrémente ses récits sur l’histoire du jazz depuis son origine, dans les champs de coton après la Guerre de Sécession aux États-Unis, jusqu’à nos jours. Mais il montre également comment le jazz a pénétré dans le monde de la télévision et en particulier les séries, prenant pour exemple Starsky et Hutch, ou la mélodie de la Panthère rose de Henry Mancini. « Si les enfants peuvent être en transe ou être emportés par le rythme jazzique comme ils pourraient l’être pour le rock ou la techno, alors ils sont au cœur du jazz », signale encore le jeune retraité qui finit par s’exclamer : « Mais il n’y a pas besoin d’en faire toute une montagne. »
Pour les adultes, la mission est différente: elle consiste à jeter aux orties les préjugés dévalorisants et répétés qu’ils peuvent nourrir à l’encontre du jazz. « Oubliez les idées toutes faites », martèle Xavier Brocker qui n’hésite pas à leur faire écouter toutes sortes de musiques issues du jazz, comme le gospel ou des mélodies plus douces à la guitare sèche, en y intégrant à titre de comparaison des morceaux d’autres variations musicales. Tout un programme pour transmettre la passion du jazz avec des méthodes personnelles, afin de continuer à faire vivre une musique qui le mérite. Une initiative qui méritait d’être soulignée.
Article publié le 9 octobre 2009 dans le bimédia lorrain La Plume Culturelle.
Photo : ©LPC|DR – Un exemple d’artiste jazziste venu se produire en 1983 au NJP : Sun Ra, compositeur et pianiste de jazz américain avec plus de deux cent albums à son actif.