Nuit Blanche 2009 : une foule de lapins en représentation à l’Arsenal
La salle de l’Esplanade de l’Arsenal va accueillir, dans le cadre de la Nuit Blanche du 2 octobre prochain, cent lapins robotisés Nabaztag qui chanteront l’opéra Nabaz’mob. Une œuvre originale et très high-tech composée par Jean-Jacques Birgé et Antoine Schmitt, et qui ne laissera pas le public indifférent.
Connaissez-vous le petit lapin Nabaztag ? Un vrai bijou de technologie qui ne mesure pas plus de 23 cm et qui a la capacité de se connecter, seul et en permanence, sur Internet. L’animal high-tech offre des services variés et peut également lire des textes, parler et vous annoncer les messages reçus tout en remuant ses oreilles avec élégance. Petit plus : des lumières multicolores clignotent sur son ventre sur un rythme visuel assez sympathique. Un objet très tendance et mignon qui ne demande qu’à être posé sur votre étagère ou sur votre bureau. Si pour la petite histoire, l’avenir de la société Violet qui a conçu les lapins Nabaztag demeure incertain (redressement judiciaire en juin dernier et liquidation judiciaire s’il n’y a pas de repreneur en octobre), tout cela reste dans le secteur économique. Antoine Schmitt, artiste plasticien et Jean-Jacques Birgé, artiste, compositeur et cinéaste utilisent ces petites bêtes juste dans le cadre de la création.
Aussi pour la nuit blanche messine du 2 octobre prochain, l’opéra Nabaz’mob sera proposé au public avec l’appui d’une centaine de ces lapins Nabaztag, à la salle de l’Esplanade de l’Arsenal dès 19h00. Une façon de détourner un objet à caractère industriel pour créer une œuvre artistique. « Nous avons perverti l’objet « mignon » pour en faire une œuvre engagée dans une idée de questionnement », confie Antoine Schmitt, l’un des deux concepteurs de la performance, qui s’est occupé de la programmation et de la chorégraphie des oreilles. Quant à Jean-Jacques Birgé, qui a composé la mélodie, il indique clairement que si les lapins ont été prêtés par la société Violet, il n’en demeure pas moins qu’il n’y a pas de compte à rendre à l’entreprise. Donc, totale liberté dans leur travail. Les deux amis, qui se connaissent depuis 1995, ont écrit ensemble la pièce, dans laquelle ils veulent démontrer la tension entre la communion d’un ensemble et le comportement individuel.
L’interprétation que les deux artistes ont souhaité faire jouer aux machines, serait-ce leur vision de la démocratie ? Avec notamment des questions sur l’organisation, la compréhension, les décisions et le contrôle en groupe ? Et qu’advient-il de la formation lorsque l’individu réagit sans se préoccuper de ses voisins ? « Seul, le lapin est mignon », déclare Jean-Jacques Birgé qui précise que l’objectif, en les mettant ensemble, « c’est qu’ils deviennent moins sympathiques et que l’ambiance ne soit plus la même ». Le public a la possibilité de regarder et de comprendre le spectacle sous des angles différents. « Les spectateurs peuvent voir dans notre œuvre les implications politiques que nous y avons mises. Ou alors ils apprécieront juste le spectacle comme quelque chose de merveilleux et de poétique », admet-il. Si le lapin Nabaztag a été conçu pour devenir un objet branché, il peut être catalogué aujourd’hui comme un produit populaire qui séduit. « Nous nous sommes aperçus que les différents publics, enfants comme adultes, sont conquis par ces machines qui n’en font qu’à leur tête et leurs oreilles », confesse encore Jean-Jacques Birgé, amusé par l’attitude de ses mammifères robotisés.
La scénographie change selon les salles où l’opéra est joué, mais quel que soit le lieu, l’obscurité confère de l’intimité à l’environnement. Ainsi, seule la led de couleur de chacun des lapins Nabaz’mob illumine les lieux, avec trois ambiances particulières : la première scintille comme un arbre de Noël, la deuxième donne un climat angoissant, et la troisième est empreinte des citations du répertoire. Le petit haut-parleur situé sur leur ventre diffuse la mélodie sélectionnée et donne le rythme à la chorégraphie des oreilles qui s’articulent. « Tous les lapins reçoivent l’intégralité de la même partition par wifi », explique Jean-Jacques Birgé. « Chacun d’entre eux pourra l’exécuter de trois façon différentes. Ils ont été programmés pour cela afin qu’ils puissent réagir avec une autonomie totale », signale-t-il encore. Les auteurs ne savent jamais dans quel ordre leurs protégés vont commencer la partie qu’ils ont sélectionnée. « Il suffit d’un déréglage sur l’un d’entre eux pour que l’ensemble prenne du retard ou fournisse des effets dramatiques ou comiques auxquels on ne s’attend pas », avoue le compositeur.
Sachant que les Nabaztag n’en feront qu’à leur tête, il ne vous reste plus maintenant qu’à aller applaudir ces indisciplinés d’un nouveau genre qui chantent leur opéra Nabaz’mob (nabaz en arménien signifie lapin et mob, en anglais, la foule). Un détail encore : ce ne sont pas des lapins mais des lapines… il ne faudrait pas encore froisser les artistes high-tech.
Article publié le 28 septembre 2009 dans le bimédia lorrain La Plume Culturelle.
Photo : ©LPC – Un opéra où les lapins high-tech n’en font qu’à leur tête et leur oreilles.