Le sociologue et auteur Michel Fize à la rencontre des jeunes à Metz
Mardi dernier, le sociologue au CNRS et auteur d’ouvrages sur la jeunesse et la citoyenneté, Michel Fize a rencontré le public, et en particulier les jeunes, issus des 27 pays européens venus à Metz à l’occasion de la manifestation Paroles de jeunes, pour une séance de dédicaces et de discussion à la librairie Hisler-Even.
S’il ne fallait retenir qu’une seule chose des propos de Michel Fize concernant la jeunesse, ce n’est pas celle qu’on voudrait bien croire ou imaginer. A son goût, il y a trop d’a priori la concernant. Une tranche d’âge qui demeure mal comprise par la population, et dont l’étiquette de délinquant juvénile reste encore collée sur le front. « On dit tant de choses pas justes et peu convenables envers eux », s’insurge le sociologue du CNRS. « On a l’impression qu’ils concentrent tous les maux de la société sur eux », insiste-t-il encore. L’auteur de l’ouvrage « Le livre noir de la jeunesse », aux éditions des Presses de la Renaissance, sait de quoi il parle. Depuis vingt ans, il œuvre à la question sous un angle politique et scientifique à travers de nombreux travaux. Après avoir été coordinateur de la Consultation nationale des jeunes, lancée en 1994 par Édouard Balladur, et conseiller au cabinet de Marie-George Buffet en 1997 au ministère de la Jeunesse et des sports, il en est devenu un spécialiste.
Le « Livre noir de la jeunesse », un mal aimé
L’ouvrage publié une première fois en 2002 fut un bide commercial selon l’aveu même de son auteur. Le titre choisi pour la version de l’époque, « Deuxième homme », sous-entendait l’infériorité conférée à la jeunesse, et se voulait être un clin d’œil au « Deuxième sexe » de Simone de Beauvoir. L’un à destination de la jeunesse, l’autre en direction des femmes. Mais les politiques et quelques médias interprétèrent mal le propos et n’apportèrent pas plus de crédit au contenu. « De toute façon, la littérature sur la jeunesse cela n’intéresse personne », analyse Michel Fize qui souligne qu’avec la collection des livres noirs, en général, c’est relativement un succès. « Sauf si vous abordez le sujet des jeunes », rajoute-t-il. Pourtant, le « Livre noir de la jeunesse » constitue un diagnostic sans complaisance sur la situation actuelle des adolescents et des jeunes adultes en France. Mais aussi sur le rôle et la force qu’ils représentent au sein de la population tout en continuant néanmoins de rester un sujet tabou.
« Les hommes ont du mal à partager le pouvoir.
Déjà que ce n’est pas facile pour eux de le répartir avec les femmes, s’il y a en plus les jeunes, c’en est trop. »
Si l’ouvrage retrace l’histoire intergénérationnelle, depuis son origine, sur la position hiérarchique du jeune dans l’ordre social de notre société, l’auteur y a également inclus des propositions et des suggestions pour leur donner davantage de voix. « La crise économique a amplifié la situation précaire des jeunes », explique Michel Fize, qui reconnaît cependant que si le pouvoir politique s’en inquiète, « il n’est toutefois pas très réactif. » Évidemment, il reconnaît que cette condition de vie touche aussi les adultes, mais demeure toutefois plus accentuée pour les moins de 25 ans qui ont un accès difficile à l’emploi, au logement et à la santé. « L’écart de salaire il y a quarante ans entre les trentenaires et les cinquantenaires avoisinait les 5 %, aujourd’hui il caracole plutôt vers les 55 », tient à préciser encore le sociologue.
La rencontre avec les jeunes… Les interrogations.
La discussion continue avec les jeunes présents pour la séance de dédicace. Les exemples fusent et s’enchaînent les uns après les autres. Michel Fize relate un fait d’actualité avec la polémique du fils cadet de Nicolas Sarkozy qui brigue le poste de président de l’établissement public d’aménagement de la Défense. « On est en droit de se poser des questions sur son statut de ‘‘fils du président’’. Mais qu’on le juge à cause de son statut de jeune, c’est encore une façon de faire de la discrimination par l’âge », affirme-t-il. Toujours les mêmes questions récurrentes qui reviennent à l’esprit. Pourquoi la jeunesse a-t-elle une image aussi négative à travers notre société ? Pourquoi fait-elle peur au point de ne pas lui faire confiance ? Michel Fize livre en aparté un élément de réponse : « Les hommes ont du mal à partager le pouvoir. Déjà que ce n’est pas facile pour eux de le répartir avec les femmes, s’il y a en plus les jeunes, c’en est trop. » Puis avec humour, l’auteur ajoute à mi-voix : « Imaginez ce que doit être le statut de jeune femme. » Et conclut : « La jeunesse est encore perçue comme une période de transition où il faut encore faire ses preuves. Elle est malheureusement condamnée à être bizutée, en quelque sorte. »
Article publié le 15 octobre 2009 dans le bimédia lorrain La Plume Culturelle.
Photo : ©LPC|JML – Dédicace et rencontre à la librairie Hisler-Even avec Michel Fize, auteur du « Livre noir de la jeunesse ».