Su Li Zhen « La musique que l’on regarde avec les oreilles ! »
La Plume Culturelle propose à partir de ce numéro une rubrique destinée aux artistes méconnus d’une grande partie du public ou trop peu médiatisés. Avec passion, ils participent à l’enrichissement culturel de la Lorraine et nous les mettons à l’honneur. Bénéficiez de l’interactivité d’Internet pour découvrir un aperçu de leurs œuvres sous forme de son ou de vidéo. Pour ce premier volet, nous nous arrêtons à Nancy où nous avons rencontré le groupe Su Li Zhen.
La Plume Culturelle : Comment t’est venue l’idée de fonder Suli Zhen au lieu de t’afficher avec ton propre nom ?
Su Li Zhen : On va dire que c’est une démarche artistique. Au départ nous étions un groupe d’amis musiciens et nous jouions ensemble des reprises de jazz ou de bossa-nova. Et puis pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou tout simplement pour changer de style, les uns après les autres sont partis pour d’autres aventures et moi du coup, je me suis lancé en solo, mais tout en gardant le nom du groupe, pour monter mon propre home studio où j’ai enregistré un premier titre.
LPC : Suli Zhen, pourquoi un tel nom?
SLZ : Outre le fait que je suis passionné par la musique, j’affectionne les films d’auteurs, par exemple ceux de Wong Kar-wai qui a réalisé entre autres In the mood for love et dont l’héroïne a pour nom Su Li-Zhen. J’ai donc voulu faire un petit clin d’œil car j’aime l’histoire et le plaisir esthétique qui se dégage du film. Je désirais composer une musique qui serait en accord avec cette volonté d’esthétisme.
LPC : On peu lire sur ton site internet, « Su li Zhen la musique que l’on regarde avec les oreilles » ! Quel est le message que tu veux faire passer avec ce slogan ?
SLZ : Il n’y a aucun message ! Mais pour moi, la musique est associée à l’image et dans ma tête, la musique défile comme un film. D’ailleurs, mon album est conçu comme tel. A la base, j’avais juste composé la musique, puis j’ai écrit les paroles avec lesquelles j’ai créé mes chansons avec un fil conducteur comme un scénario.
LPC : Comment procèdes-tu pour l’écriture et la composition de tes chansons ?
SLZ : Souvent je me chante une mélodie dans ma tête à n’importe quel endroit où je me trouve, et l’univers de la nuit m’inspire énormément. Parfois je me balade en pleine nuit dans les rues de Nancy et j’observe le ciel, les étoiles ou les bâtiments. Ensuite, lorsque je suis de retour dans mon home studio, j’enregistre les idées de mélodies sur un de mes instruments, car je joue aussi bien de la guitare que de la basse, du saxophone ou du piano. J’en crée une boucle que j’écoute plusieurs fois et j’étoffe autour avec des refrains et des couplets que je bidouille avec le PC. Par exemple l’album, je l’ai commencé en janvier 2007 et je l’ai terminé en décembre dernier. Je n’ai pas compté les heures et les jours de travail pour arriver au résultat final.
LPC : Puisque ton album est conçu comme un scénario, que raconte le script ?
SLZ : Pour faire rapide, c’est l’histoire d’un homme romantique et désespéré qui touche à l’alcool et évolue au fur et à mesure des chansons dans un monde où les références cinématographiques sont nombreuses et notamment celle du film In the mood for love qui m’a particulièrement marqué. Il recherche la fille idéale mais celle qu’il rencontre ne ressemble pas du tout à l’idée qu’il s’en était fait et cela ne donne rien de concret si ce n’est qu’à la fin de l’album, la musique devient plus dramatique car l’euphorie liée à l’alcool et à la nuit passée tombe. Sur l’un des morceaux, on entend même la sirène d’une ambulance.
LPC : L’histoire que tu nous racontes est-elle autobiographique ?
SLZ : Pas du tout, l’histoire est inventée de toutes pièces avec des idées trouvées à droite et à gauche dans des films que j’ai pu apprécier. En revanche, pour les mélodies, même si elles sont plutôt orientées trip-hop électro, je me suis inspiré de tous les styles que j’ai pu côtoyer dans ma vie, comme le jazz, la bossa-nova ou le rock, afin de transcrire mes émotions en musique et donc d’y inclure, quelque part, toute mon histoire musicale.
LPC : le style musical que tu adoptes dans tes chansons, tu le situes où, entre Moby et la musique d’ambiance ?
SLZ : (Rire) Plutôt vers Moby que j’aime particulièrement, et mon style Trip-hop électro s’en rapproche effectivement, mais la comparaison s’arrête là. J’ai d’autres influences musicales, comme le groupe Portishead ou Morcheeba.
LPC : Pour les non-initiés, peux-tu expliquer ce qu’est le trip-hop ?
SLZ : Le trip-hop regroupe un certain nombre de styles musicaux avec des bases électroniques ou des samples, des impros, parfois du hip hop ou du jazz voire une catégorie de rap. Dans les groupes trip-hop, on trouve souvent des DJ alors les mauvaises langues te diront que le trip-hop est une sorte de garage où l’on range tous les inclassables de la musique dite nouvelle et actuelle.
LPC : Pour la chanson No way to be your pawn, tu as fait un duo avec Mlle Huynen, qui doit avoir des sensibilités musicales propres. Comment s’est déroulé l’enregistrement du titre?
SLZ : J’ai fait ma partie de chants qui étaient fondés sur une série de mots en boucle et Huynen a écrit des paroles que je considère comme plus mélodiques et plus aériennes, ce qui a apporté un réel contraste au niveau de l’écriture du morceau. Nous avons confronté notre travail pour ensuite enregistrer le titre. Pour moi cela a été une nouvelle expérience de chanter avec quelqu’un. D’ailleurs, le simple fait de chanter en personne a été nouveau pour moi. Je n’avais enregistré qu’un seul album dans la précédente formation de rock dans laquelle je jouais de la guitare. Alors que pour celui-ci, j’ai dû pratiquer quelques instruments pour les besoins de mes titres.
LPC : Tu as autofinancé ton premier album, pourquoi ?
SLZ : D’une part pour le prix, car de nos jours, avec un investissement raisonnable, on peut monter un home studio chez soi, ce qui permet de produire un album pour un coût modique sur du matériel professionnel. D’autre part, ce qui ne devait être à la base qu’un enregistrement d’idées et d’inspirations s’est avéré plus pro que je ne l’avais imaginé. Et puis certains de mes amis m’ont encouragé à continuer. Alors, j’ai décidé d’autoproduire mon album.
LPC : Ne penses-tu pas que les labels et les producteurs recherchent un peu trop dans le star système avec de la musique commerciale stéréotypée et lissée, et laissent sur le côté des groupes comme le tien ?
SLZ : Je crois surtout que les labels connaissent une crise de la profession sans précédent, et cela devient difficile de vendre des CD face aux mp3 et aux téléchargements sur Internet, alors ils ont du mal à signer avec de nouveaux artistes. Et puis l’objectif des gros majors est de rentabiliser un investissement, et pour ma part, je ne me place pas dans cette démarche-là. J’aime mieux les petits labels indépendants qui produisent les artistes pour la qualité artistique, que les gros qui ne recherchent que le profit. Alors pour l’instant, mon album n’existe qu’en version numérique téléchargeable sur deux grandes plateformes payantes. Je trouve le système pratique car les internautes peuvent acheter les titres qu’ils choisissent sans avoir à se payer l’intégralité d’un album. En plus, le téléchargement légal ne tue pas l’industrie du disque. Maintenant je suis plutôt à la recherche de personnes qui pourraient m’aider à organiser des concerts ou me proposer des lieux pour me produire que d’un label.
LPC : Tu es français et donc lorrain, tu chantes en anglais. Comptes-tu t’exporter dans les pays anglophones ?
SLZ : Oui c’est l’un de mes objectifs de m’ouvrir sur le monde. Surtout lorsqu’on chante en anglais, c’est plus facile pour se faire connaître. Pour ma part, je préfère la sonorité de l’anglais à celle du français car je la trouve plus mélodieuse. Avant d’être parolier, je suis musicien et je suis vraiment attentif aux sons. La langue de Shakespeare se prête mieux à mes chansons, même si le français permet d’écrire des textes plus profonds ou plus riches en vocabulaire.
LPC : Sans internet ton groupe aurait-il eu la même notoriété ?
SLZ : Ah non, Internet c’est magique surtout par exemple avec MySpace. Le réseau permet vraiment de promouvoir son groupe et ça facilite la notoriété. Auparavant pour se faire connaître, il fallait imprimer des tracts, des affiches et nous ne pouvions coller ou distribuer que dans la ville où nous étions, ou alors il fallait avoir un label qui s’occupait de la promotion. Avec Internet, le processus se démocratise et tout le monde peut faire sa publicité, plus ou moins importante selon le temps qu’on reste connecté, il n’y a pas de secret.
LPC : Parallèlement tu as un métier pour faire bouillir la marmite, une famille, des amis et la passion de la musique avec ton groupe… Est-ce facile d’allier le tout chaque jour ?
SLZ : Ça va, je me débrouille. Mon métier d’infirmier je l’exerce un peu comme je le désire puisque je travaille en intérim, et comme la demande ne cesse d’augmenter, je peux choisir si je travaille à temps plein ou à temps partiel selon mon planning artistique. Pour la période où j’ai enregistré mon album, j’avais un poste de nuit ce qui me laissait les après-midi et les débuts de soirées pour répéter. A côté de cela, même si la musique occupe effectivement pas mal de mon temps, je ne néglige pas les personnes qui m’entourent et je réussis même à voyager. L’année dernière durant deux mois, je suis parti en Corse et en Inde. De toute façon si je fais de la musique et que je ne suis pas bien dans ma tête cela n’ira pas. Et pour que cela aille dans ma tête, il faut que je sois heureux dans ma vie, et que celle-ci soit remplie d’activités, ce qui potentialise ma création musicale.
LPC: Si tu avais un mot ou une phrase pour définir ton groupe et ta musique, que serait-ce ?
SLZ : J’ai une petite phrase assez sympa pour cela : La musique que l’on regarde avec les oreilles !
LPC : Enfin quels sont tes projets pour cette année 2008 après la sortie de ton album ?
SLZ : D’une part, promouvoir au maximum l’album en essayant de faire diffuser certains titres sur les radios locales et indépendantes, si c’est possible. D’autre part, je travaille pour monter des concerts avec des musiciens et je vais essayer de préparer une tournée en Lorraine mais également dans le reste de la France. Ensuite, il y a une préparation de tournage pour le clip de Taken away all my sorrow fin janvier, et de vidéos pour les concerts, qui seront projetées sur un écran pour illustrer ma musique. Et puis après, on verra comment tout cela évoluera.
Article publié le 5 janvier 2008 dans le bimédia lorrain La Plume Culturelle.
Photo : © LPC|SLZ – Nicolas du groupe Su li Zhen.