L’écriture est un don inné !
Franchement sans rire, vous pensez que l’écriture est un métier pour lequel il vous faut travailler sans compter et de manière méthodique pour améliorer la stylistique de vos textes ? Et qu’il suffit de vous armer de patience pour rédiger vos phrases, les rectifier, peut-être de les biffer voire les supprimer pour ensuite en réécrire d’autres ? Suggérez-vous détenir une foi inébranlable sur vos capacités intellectuelles pour mener à bien votre projet jusqu’à son terme ? Ressentez-vous de la fierté en relisant votre production littéraire terminée après tant d’années de travail ? Et puis arrêtez de me faire croire que vous prenez du temps, chaque fois que vous le pouvez, pour lire quelques ouvrages littéraires d’auteurs classiques ou contemporains ! Je n’en crois pas un mot !
Comme pour la majorité des Français et l’intelligentsia de notre pays, l’écriture est un don inné ! Combien de fois faudra-t-il vous le rappeler ? Cette aptitude se balade dans les gènes de quelques semblables de génération en génération et qu’il suffit de l’activer, grâce à un déclencheur émotionnel ou sentimental, pour devenir un Proust, un Hugo, un Zola, un Rimbaud, un Apollinaire, un Camus ou encore un Bukowski. Bon, pour le dernier, j’avoue il faut aussi des prédispositions à la picole (comprendre posséder un bon foie et une bonne descente en alcool en tout genre), sinon oubliez l’obtention du label « auteur alcoolique ».
Toutefois, vous pouvez proposer votre candidature pour d’autres catégories existantes : auteur maudit, auteur fauché, auteur en panne d’inspiration, auteur engagé, etc. Quoi qu’il en soit, dans le pays des Lumières et de la consécration des prix littéraires – un peu plus de deux mille dans l’hexagone (j’avoue que je ne les ai pas comptés, c’est mon ami Google qui me l’a dit…) –, il est inconcevable que vous, pauvre mortel, puissiez ne serait-ce qu’un instant vous imaginer accéder un jour à l’immortalité au sein de l’Académie française sans ce don de l’écriture.
Et voilà que vous venez me parler d’atelier d’écriture ! Un procédé venu d’Outre-Atlantique dont l’objectif principal est de permettre aux rêveurs d’apprendre de manière ludique à rédiger des histoires en tout genre. Une structure qui enseignerait à manier la langue française, non pas pour rédiger des dissertations, des commentaires de textes, des Curriculum Vitæ mais pour développer son imaginaire et extérioriser son contenu avec des mots. Avez-vous des noms d’auteurs américains connus ayant démarré une carrière littéraire grâce à ces ateliers ? OK, T.C. Boyle, Philippe Roth ou Raymond Carver entre autres !
Et puis en France, il y a de moins en moins de lecteurs de littérature mais de plus en plus d’auteurs. Croyez-moi, cela ne sert à rien d’écrire des romans si personne ne les achète ! Et que dire de la poésie ? Seul un pour cent de ces lecteurs en lise. Alors le futur Rimbaud travaillant sans relâche sur ses poèmes, il a intérêt d’être un génie s’il n’a pas cette prédisposition naturelle dans son esprit ! Comment ça, j’amalgame ? Alors vous, vous êtes de mauvaise foi !
Si je vous comprends, vous êtes donc partisans des ateliers accessibles au grand public voire considérer ce procédé comme une matière à enseigner à l’université ? Vous n’y pensez pas ! Non, je vous le répète, en France, l’écriture est un don inné ! Demandez autour de vous, vous verrez que je ne suis pas le seul à le penser. Par ailleurs, il n’y a pas que l’écriture qui soit un don inné, c’est aussi le cas pour le dessin, la peinture, la musique ou le sport. Tout est une question de gènes !
En effet, prenez l’exemple du dessin et demandez à un adulte (hormis à un détenteur du don du dessin) d’esquisser quoi que ce soit sur une feuille vierge. Celui-ci refusera d’effectuer la tâche en prétextant qu’il ne sait manier le crayon. Encore moins si tous ses amis « sans gènes » (oui, oui, vous pouvez remplacer le mot par celui-ci : sans-gêne. C’est aussi permis !) s’agglutinent autour de lui et deviennent en un tour de main critiques d’art mais sans les compétences adéquates. (Pareil qu’au foot ! Soixante millions de Français qui deviennent sélectionneur pour constituer l’Équipe de France.) En revanche, pour celui ou celle qui détiendrait dans son ADN, ces gènes qui favoriseraient ce don, les témoins de la scène s’exclameraient d’une manière blasée et avec une petite pointe de jalousie : « Oui bon d’accord, il a un sacré bon coup de crayon mais c’est normal ! Depuis qu’il est tout petit, il dessine ! » Vous dites ? S’il passe des heures entières à effectuer des croquis ou s’il s’exerce dans cette matière artistique ? Ma foi, je n’en ai aucune idée… moi je ne suis pas dessinateur mais poète !
Cependant, je dois reconnaître une chose sur un point ! Même pour pondre ce texte rempli d’a priori et de préjugés sur l’écriture, il m’a fallu des heures de concentration et d’acharnement pour que cela soit lisible. Même pas sûr que ma chronique soit lue ! Faudrait-il déjà qu’il y ait des lecteurs sur Internet ! Mais alors ? C’est un vrai travail, un vrai investissement personnel ? On ne devient pas écrivain en un claquement de doigts ? (Je reste sans voix.) Bon allez, moi je vous laisse, je vais me poser gentiment dans un fauteuil douillet et visionner un film sur une plateforme vidéo. Moins fatigant et moins prenant intellectuellement ! Écrivain ? mais quelle idée j’ai eue !
Comme vous avez lu la chronique jusqu’au bout, lisez cet article intéressant d’Élisabeth Philippe datant du 21 avril 2013 dans Les Inrocks => Peut-on apprendre à devenir écrivain ?